Voyageur malgré lui – note de lecture

de | septembre 28, 2014

Voyageur malgré lui

Auteur : MinhTran Huy
Editeur: Flammarion, 2014
ISBN 9782081333567
ISBN PDF Web :9782081348356
ISBN Epub : 978208134839

voyageur malgré lui

L’auteur:

Minh  TRAN HUY est une  écrivaine  française, née de parents vietnamiens, à Clamart, dans la région parisienne en 1979. Après des classes préparatoires au lycée Henri IV de Paris, une maîtrise de lettres et de Sciences-Po, elle devient rédactrice en chef adjointe du « Magazine Littéraire », mensuel de littérature et philosophie. Elle est chroniqueuse à des émissions de télévision : «  Les mots de minuit » et  « le Bateau Livre».

En 2007, elle publie son premier roman,  « la Princesse et le Pêcheur » aux Editions Acte Sud. ( cf. Alasweb.free.fr  Bull 181  1er trimestre 2008 p.35). En 2012 : sortie de son deuxième roman : «  La double vie d’Anna Song » couronné par le Prix Pelléas, le Prix d’Asie, et le Prix Drouot. En Aout 2014, sortie pour la rentrée littéraire de son troisième roman : «  Voyageur malgré lui ».

Résumé du livre :

Au cours d’un voyage professionnel à New York, la narratrice découvre l’existence d’Albert Dadas, étrange personnage souffrant d’une soif inextinguible de  «  fuguer », de voyager, à pied, en train, à bicyclette, peu importe le moyen, sans motif, sans but, sans raison. C’était un ouvrier gazier de Bordeaux, né en 1860 qui souffrait de « dromomanie », maladie qui sévit à la fin du 19ème siècle en France, en Italie, en Allemagne et qui disparait  une vingtaine  d’années  après. Le cas d’Albert Dadas fut le sujet de thèse d’un jeune interne en Médecine Philippe Tissié (1887). D’abord intriguée, puis fascinée, Line la narratrice du roman, étudie avec passion la vie d’Albert Dadas.  Pendant qu’elle s’y consacre, la télévision diffuse un reportage sur une athlète somalienne disparue en mer, dans la fuite de son pays en guerre. Nouvelles interrogations pour Line ! Dadas était malade,  mais quelles sont les raisons qui ont poussé  Samia Yousuf Omar athlète somalienne sprinteuse du deux cents mètres, à quitter son pays, à traverser le désert de Libye, à s’embarquer sur ce bateau en partance pour l’Italie où la Mer l’emprisonna pour toujours ? Mystérieusement, on ne sait pourquoi, ces questions  conduisent notre narratrice Line à des interrogations sur  la vie de certains de ses proches qui ont connu l’errance d’Asie en Amérique, d’Amérique en Europe sans trouver de point d’ancrage, comme ce cousin de son père, Thinh, que Line enfant , trouvait « bizarre » , cette cousine «  Hoai » tragiquement  disparue après sa fuite du Vietnam en bateau ! Ces vies évoquées sans jamais être révélées  dans des réunions de famille restent toujours enfouies  dans le secret, comme celle du père de Line. Petit à petit, Line cherche à pénétrer dans le passé de son père, à découvrir sa  vie « d’avant »,  d’avant son épouse, d’avant elle, sa fille. Derrière   les silences, les non-dits, les confidences voilées,   elle cherche à reconstituer son parcours, son double exil : d’abord l’abandon de son village natal, puis l’abandon de son pays, le Vietnam, pour un pays qui  l’a adopté, qu’il a adopté, où  il s’est reconstruit, où il a fondé une famille heureuse. Il n’a pas connu le sort d’Albert Dadas, ni celui de Samia, ni celui de Thinh, ni celui de Hoai, toutes ces personnes qui ont cherché un « ailleurs » pour échapper à la folie, à la misère, à la guerre, à la solitude !  Mais s’est-il jamais senti « Chez Lui » quelque part ? ne reste t-il pas un exilé perpétuel ?

Commentaires :

Comme dans ses deux premiers livres, le thème abordé par Minh Tran Huy reste la recherche des origines, de l’identité : dans « la Princesse et le Pêcheur » Lan découvre à travers  Nam – ce garçon rencontré sur un ferry-boat en partance pour l’Angleterre –  le Vietnam, son pays,   dont elle est originaire sans y être née, et qu’elle n’a jamais connu.  A travers cet amour, Lan recherche ses origines. Dans la « Double Vie d’Anna Song », Paul Desroches, par amour, pour continuer d’idolâtrer sa femme, remarquable pianiste, fait croire au monde entier  en utilisant  un plagiat, que sa femme paralysée par un cancer, continue de produire une  magnifique discographie alors qu’elle n’est plus capable de taper une seule note  sur le clavier de son piano ! Il y a tromperie sur l’identité par amour

Dans ce troisième roman, il y a perte d’identité en raison soit de la maladie, soit de la guerre, soit tout simplement du destin ! Le plus tragique, c’est que même  lorsqu’on arrive à se reconstruire une autre vie, à retrouver une autre identité, on reste, hélas, un peu perdu dans l’espace, dans le temps : la couverture du livre résume cette situation par cette phrase troublante : «  ce n’était plus chez moi ».

Il est difficile de classifier cet ouvrage.  Est-il un documentaire, une autobiographie, un roman psychologique ? C’est un documentaire précis et détaillé  sur cette maladie inconnue dont souffrait Albert Dadas, un remarquable reportage sur les performances de la sprinteuse somalienne Samia Yousef, un poignant récit des atrocités de la guerre du Vietnam. On y retrouve la plume du journaliste qu’est Tran Huy Minh. Mais en même temps ,  c’est une profonde analyse psychologique reposant sur une autobiographie légèrement voilée dans laquelle l’auteur exprime toute sa tendresse pour son père. Elle a pris quelques libertés dans la traduction des prénoms vietnamiens . Elle s’en est excusée d’ailleurs dans sa page de « remerciements et précisions »[1]. Cela est sans importance pour le récit.

L’écriture de Minh Tran Huy est limpide, émouvante par la simplicité et la véracité des sentiments exprimés, sans jamais tomber dans le « patho » vulgaire, restant toujours d’une parfaite élégance.

Minh Tran Huy est un auteur fidèle à elle-même et à qui un long avenir est tracé.

Nguyen-Tu Lan

[1] Le prénom que la narratrice s’attribue «  Linh » signifie « âme »  en vietnamien et non « Lumière » qui en fait est le vrai nom de l’auteur : «  Minh »

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