Réflexions sur Colloque international Arts du Vietnam. Nouvelles approches (Par Dominique de Miscault)
4 – 6 septembre 2014
Organisé par le Centre de Recherche sur l’Extrême-Orient de Paris-Sorbonne (CREOPS)
Musée national des arts asiatiques Guimet, Institut National d’Histoire de l’Art (INHA), musée du quai Branly
La présentation écrite par les organisatrices résume parfaitement les objectifs du colloque :
Ce colloque était destiné à présenter l’avancée des connaissances dans le domaine des arts du Vietnam des périodes anciennes jusqu’à aujourd’hui. Cet événement a rassemblé des spécialistes internationaux de ces questions (France et Vietnam, mais aussi Amérique du Nord et Asie) afin de stimuler des échanges interdisciplinaires tout en présentant la diversité et la richesse des arts vietnamiens d’une façon exigeante et accessible au grand public. Arts du Vietnam, Nouvelles approche est le premier colloque scientifique consacré conjointement aux arts et à l’archéologie du Vietnam organisé en dehors de ce pays.
Trois jours parfaitement organisés par Caroline Herbelin et Béatrice Wisniewski avec l’aide de leurs proches et amis. Un colloque à l’image des organisatrices : désenclavé et plein d’avenir…
Tous les ingrédients de la réussite étaient rassemblés !
- une nouvelle génération de spécialistes qui de ce fait comble les clivages d’un passé récent,
- des recherches conjointes entre le Viet Nam et la France voire le monde occidental,
- des lieux prestigieux comme : le musée Guimet avec en sus l’exposition prestigieuse « L’envol du Dragon », l’INHA, le musée du quai Branly, le bâtiment Le France.
Dans les 4 lieux, l’intendance suivait :savoureuse et discrète.
En ce qui concerne le fond : des approches scientifiques up to date de qualité et des intervenants qualifiés.
La chronologie des trois journées, magistralement pensées : un jour et demi consacré à l’archéologie et un jour et demi faisant un panorama des arts plastiques depuis la création de l’Ecole des Beaux arts à Hanoi en 1925, du temps de l’Indochine française.
Une entrée en matière, généraliste et saluée par l’Ambassade du Viet Nam à Paris et la directrice du Musée Guimet.
Un petit document filmé sur les acteurs de la vie culturelle vietnamienne confère (film : murmures aujourd’hui, quand la voix se cache derrière l’image de DdM, bientôt sur la toile). Le Viet Nam enfin, engagé, après trente ans de guerres, dans la voie du développement frémit.
La seconde session du colloque en témoigne avec le résultat des premières fouilles débutées au début des années 2000 : Une décennie de découvertes sur le site de la citadelle impériale de ThangLong exposées par les archéologues qui étaient là déjà à leur début : Tống Trung Tín, Bùi Minh Trí, Nguyễn Tiến Đông. Ce site ayant enfin été reconnu par l’UNESCO en 2010. Aujourd’hui Nguyễn Tiến Đông, le système de muraille des provinces de Quảng Ngãi et Bình Định(Centre du Vietnam), recherches initiées par Andrew Hardy, alors directeur de l’EFEO à Hanoi, ont été une révélation pour l’auditoire : puisqu’il s’agissait de protéger, à la fin du 18è siècle début du 19è, les populations du littorale des razzias des peuplades des hauts plateaux !
La matinée du deuxième jour à l’INHA, il faut saluer la reconnaissance pour ses pairs de Béatrice Wisniewski, qui a tenu à rendre hommage à Nishimura Masanari, figure majeure de l’archéologie du Vietnam, qui s’est éteint à Hanoi en 2013. Ensuite, je retiens les communications soignées belles et précises des chercheuses vietnamiennes mais surtout des regards pertinents et avisés de Louise Allison Cort et Philippe Colomban.
La seconde partie du colloque était plus particulièrement consacrée aux arts plastiques avec la création de l’Ecole des beaux-arts d’Indochine en première session dont la figure emblématique est sans conteste Victor Tardieu, largement évoquée par les études de Nadine André-Palloiset le petit-fils de l’éminent directeur Giacomo Turolla.Table ronde qui a permis d’évoquer, la spécialité de Caroline Herbelin : le fonds Tardieu, témoin des renouveaux de l’architecture vietnamienne, en passant par les œuvres L’Empereur Hàm Nghi (1871-1944), artiste enexil dont Amandine Dabat, sous la curiosité du public a du avouer qu’elle était son arrière petite fille et donc avait accès aux archives familiales.
La fin de la journée balayant d’un revers de main l’historique des arts plastiques au Viet Nam, depuis 1925 avec la présentation imagée de Nguyen Quan qui n’a pas hésité à dénoncer « l’art des ambassades » ! Vaste sujet sur lequel il faudrait revenir non seulement avec l’approche psycho pathologique du Docteur François Damon, mais reprendre les communications de Pamela N. Corey qui semble ne se servir que des informations partielles, trouvées sur Internet. La collecte des informations sur la toile pose un nouveau problème quant à l’exactitude des faits sans aller vraiment vérifier sur place (ce qui devrait être le travail d’une doctorante) ! J’en veux pour preuve ces fichiers sur Blue Space à Hochiminhville, profondément décevant quand on connaît la responsable et l’établissement et surtout son cheminement. De même pour Conférencière d’honneur : Nora Taylor, Advisor at the International Convention of Asian Scholars on 27 June 2013, qui n’a exposé que son travail récent répertoriant les archives de Natasha Kraevskaia (1990-2005) sur AsiaArtArchive (AAA). La même Nora Taylor ne proposant que les installations ou performances d’art contemporain vietnamien dont la plus récente s’est achevé au MacValdans le cadre de l’Année France-Vietnam et de son programme de résidences de production, le MAC/VAL[1] propose un focus sur la scène artistique vietnamienne, représentée par les très jeunes : Nguyen Manh Hung et Jun Nguyen-Hatsushiba.du 14 juin-21 septembre 2014[2]
Sans parler de l’erreur, compréhensible, certes mais tout de même concernant Une exposition à l’ARC du 24 mai au 18 août 2013de DANH VO Go Mo Ni Ma Da :
Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris a présente une exposition consacrée à Danh Vo, artiste né en 1975 au Vietnam. Les œuvres de Danh Vo, apparemment intimes, sont imprégnées de force politique. Sans être directes et frontales, elles interrogent les rapports de pouvoir qui sous-tendent les sociétés libérales,
les règles qui les régissent et la fragilité de l’idée d’État-nation. Elles révèlent la complexité des échanges entre les peuples dans le contexte de la décolonisation. Le travail de l’artiste se construit autour de la circulation des valeurs, qu’elles soient matérielles, économiques, symboliques ou spirituelles. Le projet Go Mo Ni Ma Da, s’articule autour de quatre groupes d’œuvres :
– We The People, œuvre emblématique de l’artiste, reproduit en taille réelle la Statue de la Liberté d’Auguste Bartholdi inaugurée en 1886. Une trentaine de fragments sont présentés ainsi que des photographies prises lors du premier voyage en Égypte de Bartholdi (1855-1856).
-intitulée lesTrois lustres de la salle de bal de l’Hôtel Majestic d’octobre 1940 à juillet 1944 l’hôtel Majestic était occupé par le siège du haut commandement militaire allemand en France.En 1958, le 19 avenue Kléber accueillit les bureaux du ministère des Affaires étrangères, et fut plus particulièrement utilisé comme centre de conférences internationales. C’est durant cette période que furent négociés l’Accord de Paris du 27 janvier 1973 qui après cinq ans de négociations mit « fin » à la guerre américaine au Viet Nam.
Ici, il faut avoir le courage de reconnaître, tout le décalageexistant entre des recherches purement théoriques et la réalité du terrain. Deux exposés celui de Nora et P. Coray en ont fait les frais. J’étais à Hanoi dans les années 90 et je peux affirmer que certes, il existe un art reconnu par les officiels vietnamiens (qui ne sont pas formés pour reconnaître un travail artistiques et qui sont encore moins des artistes malheureusement) mais que le Salon Natasha était loin d’être mis au banc de la société, mais faisait bien partie de ces lieux à la mode où beaucoup de l’avant garde vietnamienne et d’étrangers courraient…
Dans ce contexte, l’intervention en français deNguyen Thi Thu Huong, responsable des relations internationales pour le Musée des Beaux-arts de Hanoi :Collaborations internationales : un des éléments décisifs pour le développement des musées au Vietnam –représentant son directeur non francophonea fait l’état des lieux de la politique muséale au Viet Nam. Nguyen Thi Thu Huong a travaillée au Musée d’Ethnographie de Hanoi, puis au ministère de la culture pour maintenant participer au développement de ce prestigieux musée trop longtemps oublié.
L’après-midi fut bousculée ! J’ai regrettée qu’un point ne soit pas fait sur l’influence de l’école soviétique sur les affiches vietnamiennes de propagande dont une exposition a été présentée plusieurs mois au musée du Quai Branly ! Tandis que
Zahia Rahmani, responsable du programme Art et mondialisation, Institut aiguisait son fer avec la classique vietkieuIsabelle Thuy Pelaud, professeur,San Francisco State University. Des interventions remarquables de Pierre Baptiste ou Philippe Truongétaient un peu perdues dans la diversité de cette dernière journée. On aurait aimé un approfondissement sur la sculpture bouddhique ou l’ouverture du Viet Nam sur le marché de l’art international. Quant à l’exposition de laque, au batiment de France, en soi une belle initiative, la laque étant en effet un merveilleux médium mais je reste sur ma faim quant à la qualité des œuvres exposées à la sauf la tour Effel (ci jointe). L’exposé des travaux de Nguyen Oanh Phi Phi, Une approche contemporaine de la peinture de laque vietnamienne passait très bien à l’écran.
La Conclusion du colloque, Léon Vandermeersch, ancien directeur de l’École française d’Extrême-Orient, correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, exhaustive et claire a mis l’accent sur la notion d’art conceptuel, le concept excluant la poésie, ainsi que l’avait signalé Yves Bonnefoy en d’autres temps, remettant clairement en cause cette forme d’art contemporain qui s’apparente le plus souvent à des exercices de style ou des méthodes anti-conformisme. Pourquoi pas, mais ne mélangeons pastout indéfiniment au détriment des artiste Le travail d’un auteur allant au bout de son œuvre et de lui même reste encore irremplaçable et porteur d’idéal et de réponses inconscientes aux concepts.DdM le 16 septembre 2014
http://www.aafv.org/-arts-du-vietnam-nouvelles-293-
[1]Le MAC/VAL est le premier musée à être exclusivement consacré à la scène artistique en France depuis les années 50. Le projet du musée s’est développé sur près d’une quinzaine d’années, suite à la création en 1982, du Fond Départemental d’Art Contemporain.
En 1999, la collection est agréée par le conseil artistique des musées et le Projet Scientifique et Culturel est validé par la Direction des Musées de France. Ce projet est né de la conviction du Conseil général du Val-de Marne, et de son Président de 1984 à 2001, relayé par son successeur qu’un soutien à la création artistique, tourné résolument vers le public, concourt à l’épanouissement de chacun, à la connaissance de l’autre, au respect mutuel, à la cohésion sociale. Une vision humaniste de la culture qui s’illustre dans les différentes missions du musée. Inauguré en novembre 2005, c’est le premier musée d’art contemporain installé en banlieue parisienne.
[2]http://www.macval.fr/francais/residences-commandes/article/nguyen-manh-hung
Pour sa résidence au MAC/VAL, Nguyen Manh Hung qui est né à Hanoï en 1976, il vit et travaille à Ho-Chi-Minh Ville depuis 2011. Diplômé de l’Université des Beaux-Arts de Hanoi en 2002, il réalise des peintures et sculptures juxtaposant avec un grand sens de l’humour différents éléments de l’histoire et de la vie quotidienne au Vietnama poursuivi sa série « Ready-made paintings » (2013) commencée au Viet Nam. Il y questionne le concept de copie et de production en série de peintures de paysages en Chine puis au Vietnam et peint ses propres personnages (autoportraits, soldats…) sur les toiles qu’il achète. Lors de son séjour à Vitry-sur-Seine, il chine des tableaux sur les marchés aux puces, inscrivant ses personnages dans des représentations populaires de paysages européens. Le travail de Nguyen Manh Hung est essentiellement axé sur l’idée de représentation. Il interroge ainsi la notion de kitsch, en confrontant les cultures savantes et populaires.
Jun Nguyen-Hatsushiba est né à Tokyo en 1968, Il a obtenu unM.F.A.duMaryland Institute Collegeof Arten 1994après avoir reçu sonBFAde l’École del’Art Institute deChicagoen 1992. Artiste multimedia, questionne le concept de citoyenneté et des influences musicales connectés aux flux migratoires. Ce projet traite des difficultés et des souffrances de l’exil. L’artiste au parcours international, de par sa double origine vietnamienne et japonaise, se sent à la fois étranger partout et citoyen du monde. Il réalise une œuvre participative avec un studio d’enregistrement où les visiteurs sont invités à interagir en apportant musique, textes, son en lien avec leur immigration.