La petite marchande de souvenirs (François Lelord)

de | septembre 12, 2014

LA PETITE MARCHANDE DE SOUVENIRS
Auteur :  François Lelord
Edition : JC Lattes
ISBN : 978-2-7096-4283-5
Prix : 18€

la petite marchande de souvenirs002

Qui ne se souvient pas de ce texte émouvant paru dans le bulletin n° 193 de l’ALAS dont le titre à lui seul nous évoque tant de souvenirs : « Nostalgie de Hanoi » ? Son auteur, François Lelord,  a vécu plusieurs années au Vietnam où il a travaillé comme médecin. Ancien Chef de clinique  et Assistant des Hôpitaux (Hôpital Necker, Paris), il exerce actuellement à Bangkok comme psychiatre de la Fondation Alain Carpentier[1]. Il a écrit plusieurs essais de psychologie en collaboration avec Christophe André, psychiatre. Ses romans et contes  dont le célèbre  « Le voyage d’Hector ou la recherche du bonheur », publié à plus d’un million d’exemplaires dans le monde en 2004, connaissent un grand succès.

Il est difficile de classer son dernier roman     «  La petite marchande de souvenirs » paru en Février 2013, dans une catégorie spécifique : roman d’aventures, thriller, autobiographie, roman d’amour ?

Sans intrigue particulière, ce roman  ressemble à une peinture impressionniste avec les riches et beaux paysages  du Vietnam sur lesquels se détachent  en petites touches  légères, des personnages  bouleversants de vérité, fascinants, sur un fond clair-obscur de ce pays   qui venait de s’ouvrir au monde.  A travers son personnage principal, Julien, médecin attaché à l’Ambassade de France,

François Lelord nous emmène à Hanoi, en 1995, un an après la fin de  l’embargo sur le Vietnam.   Dans cette cité au passé glorieux, Julien découvre un peuple marqué par l’Histoire qui se relève avec courage et ténacité,  des  blessures infligées par deux guerres successives.

Sur les grandes allées qui bordent le Lac de l’Epée où se mirent des arbres séculaires, des saules pleureurs romantiques, Julien assiste à des scènes de vie qui sont la Vie de cette ville, le cœur palpitant de ce pays. Face à ce petit pagodon légendaire, que vient chercher cet américain  jovial, Wallace, qui parle un vietnamien d’une fluidité étonnante ? Veut-il faire connaître à son épouse Margaret, cette ville qu’il n’avait vue que du haut de son bombardier et où il avait été ensuite  emprisonné au « Hanoi Hilton », appelée « Maison Centrale » du temps des Français ? Quel est le secret de Brunet, personnage typique de l’expatrié blasé et cynique dont le rôle à l’ambassade est mystérieux ! Pourquoi Cléa  une  ancienne  et maîtresse occasionnelle, chercheuse britannique qui manie la langue vietnamienne d’une façon parfaite, préfère- t- elle  rester attachée à l’Institut Pasteur du Vietnam ? Ces « Tây » (occidentaux) avec qui Julien a lié connaissance sont tellement différents de la cohorte de touristes qui envahissent quotidiennement les abords du lac. Ces « Tây » dont fait partie Julien, flânent dans les allées aux heures où les touristes  se reposent encore, au moment où la brume enveloppe  de son manteau opaque le lac, où le soleil n’est pas encore brûlant. Ces « Tây » appartiennent au paysage de Hanoi. Cela, les Hanoiens  le savent, comme cette petite marchande de souvenirs que Julien a remarquée au hasard de ses promenades. Frappé par la délicatesse de son visage, par la réserve et la dignité de son attitude, il engage une conversation et découvre la vie dure et difficile de Minh Thu « Lumière d’automne », vie faite de sacrifice et de piété filiale. Malgré les interdits qu’il se dresse,  il éprouve  envers cette jeune fille des sentiments dont la frontière entre amour et amitié, compassion et tendresse est difficile à distinguer.  Julien s’aperçoit vite que « rien n’est simple » dans ce pays  fait de paradoxes et contradictions.  On y trouve  des jeunes filles élevées dans le culte de « l’oncle Ho » comme Mademoiselle Hoa , «  Fleur », son professeur de vietnamien, pur produit de la Jeunesse communiste révolutionnaire qui , cependant, peut s’émouvoir en lisant les livres interdits comme  « le chagrin de la guerre » de Bao Ninh [2] , qui  dénoncent l’absurdité de la guerre même si elle est idéologique. D’autres jeunes filles ont conservé des valeurs antiques traditionnelles confucéennes comme la piété filiale poussée jusqu’au sacrifice. L’exemple poignant est « Minh Thu, Lumière d’automne »  cette petite marchande de souvenirs qui essaie avec son maigre commerce illicite, de venir en aide à sa famille pauvre, à  son vieux père et sa mère malade. Julien ne peut s’empêcher de faire l’analogie entre la vie de « Lumière d’Automne » et celle de Thuy Kieu[3], quand il eut par hasard le livre « Kim Van Kieu » entre les mains. Julien compare, par une image émouvante, Lumière d’automne  à  «  une fleur rare pourtant éclose dans le sol aride de la lutte pour la vie ».

Un mystérieux virus sévissant dans le pays permet à Julien  de faire la connaissance de Dang, médecin chef de service d’un grand hôpital de Hanoi, ancien héros militaire.  Témoin des difficultés  engendrées par une lourde bureaucratie dans laquelle se débat  Dang et qui l’empêche de trouver l’origine de l’épidémie, Julien décide de se lancer dans une expédition à but sanitaire dans les Hauts Plateaux du Nord accompagné de son amie Cléa, biologiste  virologue britannique. C’est au cours de cette mission que Julien découvre à travers les anciennes religieuses missionnaires qui continuent de soigner et de venir en aide à la population, les vestiges de la christianisation de l’époque coloniale. Curieusement, peut-être à cause du fameux exemplaire de « Kim Van Kieu » qui lui fut confié pour être remis à un employé de l’ambassade, Julien se trouve mêlé à une sombre histoire d’espionnage qui révèle les relations toujours compliquées du Vietnam avec son voisin du Nord, la Chine toute puissante. A cause des soupçons d’espionnage qui pèsent sur lui, Julien est gardé à vue, subit un interrogatoire brutal, sans ménagement sans égard à son statut diplomatique… Au lecteur de découvrir la fin.

Malgré cela, Julien aime passionnément ce pays, car comme affirme Wallace, cet américain rencontré au bord du lac de l’Epée, « On ne quitte jamais ce pays ». La question qui reste en suspens à la fin de ce livre est « Pourquoi ? » Le lecteur y trouvera probablement la réponse dans les émotions que suscite François Lelord par son écriture simple, épurée, sa connaissance profonde du Vietnam historique, sociologique, géographique et surtout culturel.

Nguyen Tu Hung

 

[1] La fondation Alain Carpentier a fondé à Ho-Chi-Minh- Ville l’institut du Cœur

[2] « Le chagrin de la guerre », roman de Bao Ninh mondialement connu mais proscrit au Vietnam

[3] Héroïne d’un roman national « Kim Van Kieu » de Nguyen Du, qui n’hésita pas à sacrifier son cœur, son corps, sa vie, pour laver l’honneur de son père couvert de dettes.

Une réflexion au sujet de « La petite marchande de souvenirs (François Lelord) »

  1. Ping : Livres | Alasmonde

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *