Résumé de « L’ami oublié de Malraux en Indochine », Paul Monin. Une vie inachevée

de | janvier 27, 2015

Yves Le Jariel,  à la demande de Vu  Ngoc Quynh, a fait un résumé de son livre  à l’intention de quelques sites dont Tuvietfr. Merci à Yves et à Quynh. 

l ami oublié de André Malraux. 1er couv

Paul Monin, d’origine lyonnaise, fut avocat à Saigon (Vietnam). Engagé dans un combat contre les abus de la colonisation, il s’y affirma comme une personnalité marquante, de son arrivée  en Indochine, en 1918, à sa mort en 1929. Bien sûr d’autres personnalités progressistes condamnaient à cette époque les abus du colonialisme en Indochine, comme Ernest-Alfred Babut ou Amédée Clémenti. Mais aucune ne s’est placée aussi nettement à côté des patriotes vietnamiens dans leur lutte pour l’indépendance.

Evoluant d’une position de réformiste déterminé réclamant que les Indigènes aient les mêmes droits que les Européens, mais qui ne pas remettait pas en cause la domination française au Vietnam, il en est venu peu à peu à combattre toutes les formes d’impérialisme et à devenir un clair partisan de l’indépendance.

De nos jours Paul Monin est presque un inconnu. Il n’a émergé d’une totale obscurité que grâce à l’amitié qui le lia à André Malraux avec lequel il publia le journal L’Indochine – suivi de L’Indochine enchaînée –, durant quelques semaines, à Saigon, de juillet à décembre 1925. Clara Malraux, la femme d’André Malraux à cette époque, a rappelé dans ses Mémoires le rôle de Paul Monin dans leur aventure indochinoise. Jean Lacouture lui a rendu un hommage mérité dans sa biographie de Malraux Une vie dans le siècle. Mais beaucoup d’obscurité entourait la vie militante de Paul Monin ; on ne savait pas à quel point Paul Monin s’impliqua avec son ami Phan Van Truong dans la revendication de l’indépendance du Vietnam. Ces lacunes sont en partie comblées par les recherches effectuées par l’auteur au Centre des archives d’Outre-mer (CAOM), aux archives du  Ministère des Affaires étrangères,  et à la grande Loge de France ; des papiers personnels transmis par la famille de Paul Monin, complètent ces sources.

Monin est l’homme qui initia Malraux à la politique en l’associant à la création du journal L’Indochine (devenu plus tard L’Indochine enchaînée) qui se fixa pour objectif de lutter pour un rapprochement des Français et des Vietnamiens en dénonçant les erreurs de la politique coloniale. L’amitié de Malraux et Monin ne dura que quelques mois, mais c’est à partir d’elle que Malraux a pu accumuler l’expérience qui lui permit d’écrire ses plus beaux romans « asiatiques ». Le journal L’Indochine par son audace et son impertinence a contribué à ce que la parole devienne un peu plus libre. Les journaux d’opposition réformiste ou à tendance plus révolutionnaire, dirigée  par des hommes comme Nguyen Phan Long, Nguyen An Ninh ou Phan Van Truong ont été stimulés et aidés par l’exemple du journal de Paul Monin et d’André Malraux

Après le départ de Malraux pour l’Europe, au début de 1926, Monin poursuivit son combat en rejoignant Canton, bastion de la révolution chinoise de Sun Yat-sen et de ses successeurs, où il savait qu’il pourrait rencontrer Nguyen Ai Quoc, le futur président Ho Chi Minh. Au contraire de Malraux qui laissa indûment accréditer l’idée qu’il avait eu un rôle politique actif à Canton alors qu’il n’y mit jamais les pieds, Monin résida réellement à plusieurs reprises dans cette ville. Son séjour en Chine, de mars à mai 1926, lui permit de discuter avec le futur Ho Chi Minh, alors que celui-ci ébauchait les premiers pans d’une organisation structurée et efficace de lutte contre la domination française en Indochine. La femme de Paul Monin, Gertrude Monin, qui vécut jusqu’à l’âge de 106 ans, a été la première et seule Française à dialoguer en Chine, à Canton, avec le futur président Ho Chi Minh.

Par ses discussions avec ses amis vietnamiens, Paul Monin comprend qu’il peut les aider dans leur lutte révolutionnaire. Il les soutiendra désormais de toutes ses forces, mettant notamment son talent d’avocat au service des nationalistes soumis à la répression coloniale. Avec son ami Phan Van Truong, avocat comme lui  et qui dirige à Saigon le journal L’Annam, il souligne que le Vietnam doit être un pays indépendant et libre. Paul Monins’oppose clairement à certains hommes « modérés » comme Paul Monet qui se proclame lui aussi, l’ami des Vietnamiens, mais qui leur recommande la patience dans la revendication d’une simple autonomie. En 1927, quand Truong est mêlé d’une façon toute artificielle à l’affaire des «anarchistes » où treize jeunes gens se trouvent accusés pour avoir voulu célébrer le mandarin patriote Luong Ngoc Lam, Monin défend son ami devant les juges.

Le pouvoir colonial se raidit, alourdissant les  peines qui frappent les journalistes qui s’opposent à lui. Monin est de plus en plus amené à proclamer sa solidarité avec ses amis vietnamiens, notamment lorsque  Truong est condamné à deux ans de prison en 1928.

Monin est mort en 1929 à Saigon et non en Chine comme l’écrira plus tard Malraux qui semble avoir quelque peu oublié l’ami qui l’initia à la géopolitique de l’Asie. Une foule immense où l’on comptait très majoritairement des Vietnamiens suit son cortège funèbre.

La courte vie de Paul Monin fut une quête ardente de vérité et de justice. Certes Monin n’est pas Malraux. Il n’en a ni le génie littéraire, ni le destin porté aux plus hauts honneurs de la vie politique. Mais il eut une clairvoyance et un courage politique qui lui ont fait anticiper, plus lucidement que Malraux, les évolutions futures de l’Indochine et de la Chine, et, plus généralement, le déclin de toutes les formes du colonialisme européen.

Yves Le Jariel

D’autres informations :

1 – André et Clara Malraux : Leur rencontre avec Paul Monin – Repères chronologiques, par Yves Le Jariel

2 – Quelques notes sur Eugène Dejean de la Batie, par Vinh Dao

 

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